« Massacre à la farine » : L'impunité persiste alors que les forces israéliennes ouvrent le feu sur des Palestiniens affamés à la recherche d'une aide vitale

https://pchrgaza.org/en/flour-massacre-impunity-persists-as-israeli-forces-open-fire-on-starving-palestinians-seeking-vital-aid/

29 février 2024

Le Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR), Al Mezan et Al-Haq condamnent avec la plus grande fermeté le “massacre à la farine” commis par les forces d’occupation israéliennes (IOF) contre des milliers de Palestiniens cherchant de l’aide pour nourrir leurs familles affamées dans le nord de la bande de Gaza, qui a entraîné la mort d’au moins 112 Palestiniens et en a blessé 760 autres, selon le ministère palestinien de la Santé.

Ce massacre horrible et cet acte génocidaire, qui constituent une violation flagrante de l’ordonnance de mesures conservatoires juridiquement contraignantes rendue par la Cour internationale de justice (CIJ) en janvier, surviennent à un moment où les Palestiniens du nord de la bande de Gaza souffrent d’une famine sans précédent, alors qu’Israël continue d’entraver délibérément l’acheminement d’une aide humanitaire vitale. La poursuite de ces crimes et massacres horribles par Israël est le résultat direct de l’incapacité de la communauté internationale à se conformer à ses obligations morales et juridiques et à prendre des mesures concrètes pour mettre fin au génocide d’Israël dans la bande de Gaza et lui demander des comptes.

Selon les premières informations obtenues par nos chercheurs sur le terrain, le 29 février 2024, vers 4h30 du matin, des chars et des tireurs d’élite israéliens stationnés au sud-ouest de la ville de Gaza ont ouvert le feu sur des milliers de civils palestiniens qui attendaient désespérément depuis des heures l’arrivée des convois d’aide. Les tirs intenses de l’IOF, qui se sont poursuivis pendant environ une heure et demie, ont coïncidé avec l’arrivée des camions d’aide près du rond-point Al-Nabulsi sur la rue Al-Rashid, après qu’ils aient franchi un point de contrôle israélien. Des dizaines de personnes sont montées à bord des camions pour prendre des sacs de farine et des paquets de conserves. La poursuite des tirs a fait plus de blessés et a empêché l’arrivée rapide des ambulances et des équipes de secours, empêchant le transfert et le traitement adéquat des victimes.

Dans une autre démonstration de la déformation complète des faits par Israël, l’armée israélienne a faussement prétendu que les personnes avaient été tuées à la suite de “bousculades, piétinements et écrasements par les camions”. Cependant, les témoignages obtenus par nos chercheurs sur le terrain et les vidéos partagées sur les médias sociaux documentant les événements, démontrent clairement et sans équivoque que la foule a été touchée par des balles provenant de chars et de tireurs d’élite israéliens. De plus, le directeur de l’hôpital Kamal-Adwan, Hossam Abu Safya, a déclaré que les balles étaient concentrées sur la tête et les parties supérieures du corps, ce qui indique une volonté d’infliger des blessures mortelles ou graves à des Palestiniens affamés.

L’un des témoins du massacre, Mahmoud Ibrahim Abdel Salam Obaid, 30 ans, a déclaré à nos chercheurs : “En raison d’une faim extrême, je suis allé pour la première fois chercher de l’aide. Je n’ai vu personne s’approcher du char, qui était stationné près de la rue Al-Rashid. J’ai pris de l’aide dans le premier camion, et quand je me suis retourné, j’ai été touché par deux balles du char, l’une dans le dos et l’autre dans la main”. Un autre témoin, Atiya Abdel Fattah Lafi, 34 ans, a déclaré à nos chercheurs : “Le premier et le deuxième camion sont entrés, les gens se sont approchés et ont commencé à recevoir de l’aide. Puis, lorsque les troisième et quatrième camions sont entrés, les forces d’occupation ont commencé à tirer. J’ai pu prendre une partie de l’aide et j’ai décidé de rentrer chez moi. J’ai alors été touché par une balle dans le dos alors que je me trouvais à environ 700 mètres de l’endroit où les chars israéliens étaient stationnés”.

Ce n’est pas la première fois que l’armée israélienne tire sur des Palestiniens affamés qui cherchent désespérément une aide vitale dans le cadre du génocide en cours. Cependant, ce massacre est l’un des plus cruels compte tenu du nombre important de victimes. Nos organisations ont déjà documenté le ciblage délibéré par l’armée israélienne des Palestiniens attendant les camions d’aide, alors qu’Israël persiste à utiliser la famine comme technique génocidaire et comme arme de guerre. Par exemple, le 25 février 2024, il a été rapporté qu’au moins 10 Palestiniens ont été tués alors qu’ils se rassemblaient près du rond-point Al-Nabulsi sur la rue Al-Rashid, au sud-ouest de la ville de Gaza, dans l’attente de l’arrivée de l’aide.

Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a salué, dans un message publié sur le réseau social X, les actions des “combattants héroïques” impliqués dans le massacre de la farine. Il a affirmé qu’ils avaient “agi de manière excellente contre une foule de Gaza qui tentait de leur faire du mal”, et a plaidé pour qu’Israël “cesse de transférer” l’aide humanitaire à Gaza. Cette déclaration vient s’ajouter à la longue liste des déclarations faites par les responsables israéliens, qui prouvent leurs intentions et leurs actes génocidaires à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza.

Le 27 février, l’équipe humanitaire de pays des Nations unies a déclaré que les partenaires humanitaires n’ont pas été en mesure d’atteindre en toute sécurité le nord de la bande de Gaza et des parties de plus en plus importantes du sud de la bande de Gaza, car les convois d’aide ont été la cible de tirs et l’accès aux personnes dans le besoin leur a été systématiquement refusé. Selon HelpAge, environ 111 500 personnes âgées à Gaza sont parmi les plus exposées à la faim, à la déshydratation, à la maladie, aux blessures et à la mort. Au début du mois de janvier, les experts des Nations unies ont averti que les Palestiniens de Gaza représentaient désormais 80 % de l’ensemble des personnes souffrant de famine ou de faim catastrophique dans le monde, ce qui témoigne d’une crise humanitaire sans précédent dans la bande de Gaza.

Le chef de l’Office de secours des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), Philippe Lazzarini, a déclaré que le mois de février avait enregistré une réduction de 50 % de l’aide humanitaire entrant à Gaza par rapport au mois de janvier, soulignant que l’aide “était censée augmenter et non diminuer pour répondre aux besoins énormes de 2 millions de Palestiniens vivant dans des conditions désespérées”. Il a décrit la famine comme “une catastrophe provoquée par l’homme” et a souligné que la dernière fois que l’UNRWA a été en mesure de fournir une aide alimentaire au nord de Gaza, c’était le 23 janvier, expliquant que les “appels de l’UNRWA pour envoyer de l’aide alimentaire ont été rejetés et sont tombés dans l’oreille d’un sourd”.

Selon nos enquêteurs sur le terrain, des milliers de Palestiniens risquent leur vie chaque jour pour obtenir des denrées alimentaires essentielles, telles que de la farine, à proximité des points de contrôle israéliens où les camions d’aide sont censés arriver. Bien que l’armée israélienne soit parfaitement consciente des circonstances qui lui sont imposées, elle prend pour cible les personnes qui attendent pendant des heures pour obtenir des vivres pour leurs familles affamées.  Les Palestiniens sont contraints de prendre de tels risques en raison de la famine persistante, qui a atteint son paroxysme et s’est dangereusement répandue au cours des derniers mois. Toutes les réserves de nourriture étant épuisées, il ne reste plus rien pour subvenir à leurs besoins. Nous notons que les Palestiniens du nord de Gaza ont déjà été contraints de manger des aliments d’origine animale pour survivre.

Il est alarmant de constater que le nombre de “décès” d’enfants dus à la malnutrition et à la déshydratation a augmenté dans le nord de la bande de Gaza. Le ministère palestinien de la santé à Gaza a annoncé la mort de dix enfants, dont huit ont succombé à l’hôpital Kamal Adwan et deux à l’hôpital Al-Shifa, à la suite de déshydratation et de malnutrition, tout en signalant que d’autres enfants étaient en danger, susceptibles de subir le même sort.

Nous renouvelons notre mise en garde contre le fait de laisser environ un demi-million de Palestiniens mourir de faim et de soif dans la ville de Gaza et dans le gouvernorat du nord de Gaza, alors qu’ils continuent d’être privés de l’aide dont ils ont tant besoin en raison de la politique intentionnelle d’Israël consistant à empêcher les camions d’aide humanitaire d’atteindre les destinations prévues. Nous répétons que la politique de famine d’Israël vise à déplacer les habitants du nord de la bande de Gaza, à les contraindre à partir vers le sud et, éventuellement, à expulser de force les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte.

Compte tenu de ce qui précède, nos organisations renouvellent leur appel à la communauté internationale pour qu’elle

  • Respecte ses obligations légales en vertu de la Convention sur le génocide et prendre des mesures pratiques et efficaces pour mettre fin au génocide en cours perpétré par Israël contre 2,3 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, notamment en demandant et en exerçant des pressions sur Israël pour qu’il décrète un cessez-le-feu immédiat et permanent ;

  • Veille à ce qu’Israël se conforme à l’ordonnance de mesures provisoires juridiquement contraignantes rendue par la CIJ le 26 janvier 2024 ;

  • Fasse pression sur Israël pour qu’il remplisse ses obligations en tant que puissance occupante, qu’il rétablisse rapidement l’approvisionnement en eau et en électricité à Gaza, qu’il permette le passage libre et sans restriction de tous les envois d’aide humanitaire essentiels à la survie de la population civile et qu’il mette immédiatement fin à sa politique d’affamement ;

  • Assure la mise en place d’un environnement humanitaire sûr pour faciliter le travail des organisations humanitaires internationales et locales dans l’ensemble de la bande de Gaza, en particulier dans le nord, afin de permettre la livraison urgente et rapide de quantités essentielles et suffisantes de nourriture et de fournitures médicales, y compris de médicaments, aux Palestiniens ; et

  • Renforce le soutien international à l’UNRWA, qui fournit une aide humanitaire essentielle et vitale aux Palestiniens de Gaza, et exhorter les États à rétablir le financement de cet organisme, conformément à leurs obligations légales dans un contexte de génocide en cours.

Dans le cadre de sa politique de déplacement forcé, Israël intensifie le massacre de civils affamés à l'ouest de la ville de Gaza.

https://euromedmonitor.org/en/article/6194/As-part-of-its-escalating-policy-of-forced-displacement,-Israel-intensifies-killing-of-hungry-civilians-west-of-Gaza-City

29 février 2024

Genève – Les forces de l’armée israélienne ont ouvert le feu sur des milliers de civils palestiniens qui attendaient de l’aide à l’ouest et au sud de la ville de Gaza, tuant au moins 100 d’entre eux et en blessant 600 autres, a déclaré l’Observatoire Euro-Med des droits de l’homme dans un communiqué publié jeudi.

L’équipe de terrain d’Euro-Med Monitor a documenté le massacre brutal des Palestiniens par les Israéliens plus tôt dans la journée. Le groupe de défense des droits a confirmé que les chars israéliens ont ouvert le feu et tiré des obus vers 4h30 le jeudi 29 février directement sur une foule de milliers de civils affamés qui attendaient depuis des heures l’arrivée de camions d’aide près du rond-point Nabulsi sur la rue Al-Rashid dans le sud-ouest de la bande de Gaza.

Après l’arrivée des camions d’aide, les civils palestiniens ont été la cible de tirs et d’obus israéliens. De nombreuses personnes sont tombées des camions en tentant de prendre un sac de farine, et beaucoup d’autres ont été prises pour cible alors qu’elles transportaient un carton de conserves ou un sac de farine pour nourrir les membres de leur famille affamés.

L’enquêteuse Euro-Med Monitor à l’hôpital Al-Shifa a indiqué que des centaines de blessés et de morts étaient arrivés dans l’établissement, qui n’est que partiellement opérationnel. Elle a souligné qu’il y avait eu une bousculade importante et une pénurie actuelle de personnel médical, et que les citoyens ont dû s’occuper des blessés et tenter d’administrer eux-mêmes les premiers soins au milieu d’une situation angoissante. Des charrettes remplies de morts et de blessés sont arrivées à l’hôpital, certaines avec des sacs de farine trempés dans le sang.

“Nous sommes allés chercher de l’aide et de la farine près de la mer, mais ils ont ouvert le feu sur nous vers 4h30 du matin aujourd’hui”, a déclaré Saeed Thabet Salem Al-Rifi à l’équipe de l’Euro-Med Monitor. Dès que les camions se sont arrêtés et que les gens ont commencé à s’en approcher, M. Al-Rifi a déclaré : “Des coups de feu ont éclaté dans toutes les directions… transformant la situation en abattoir. J’ai obtenu un sac de farine pour nourrir ma famille de 11 personnes, mais mon compagnon a été tué”.

“Nous avons atteint le rond-point de Nabulsi et dès que les camions sont arrivés, les chars ont commencé à tirer et à bombarder dans toutes les directions”, a déclaré Anas Sobhi Abdel-Al à Euro-Med Monitor. Seule une personne sur dix a réussi à obtenir de l’aide, selon M. Abdel-Al : “De nombreuses personnes ont été tuées ou gravement blessées alors qu’elles transportaient des conserves ou des sacs de farine. Les tirs se sont concentrés sur les camions et la zone environnante. Les camions étaient remplis de morts et de blessés”.

L’armée israélienne exécute activement les derniers civils de la ville de Gaza et de la région nord de la bande de Gaza, affirmant que l’aide est limitée à la région d’Al-Mawasi dans la partie sud de la bande. La campagne de famine menée par Israël, a déclaré Euro-Med Monitor, fait partie de la guerre génocidaire contre les Palestiniens de la bande de Gaza, qui dure depuis le 7 octobre 2023.

L’organisation de défense des droits de l’homme a averti qu’Israël aggrave délibérément la crise de famine catastrophique pour tous les habitants de Gaza en les privant des produits de première nécessité et en entravant l’entrée et la distribution des fournitures humanitaires, en particulier dans la ville de Gaza et dans le nord de la bande, dans le but de déplacer de force le peuple palestinien dans ces régions.

Les habitants de la ville de Gaza et du nord de la bande de Gaza ont déclaré à l’équipe de l’Observatoire Euro-Med qu’ils avaient reçu ces derniers jours des appels téléphoniques de l’armée israélienne leur ordonnant d’évacuer vers le centre et le sud de la bande de Gaza afin de recevoir de la nourriture et de l’eau et d’éviter de mourir de faim. Des résidents ont déclaré avoir reçu des messages enregistrés de l’armée israélienne les informant que l’aide humanitaire n’était autorisée que dans la zone d’Al-Mawasi, car l’armée israélienne continuait à “opérer par la force” dans les autres zones.

Malgré les besoins énormes et croissants de plus de 2,3 millions de personnes vivant dans des conditions épouvantables, les fournitures humanitaires qui sont entrées dans la bande de Gaza en février ont chuté de 50 % par rapport à janvier, a déclaré Euro-Med Monitor. Malgré la pression internationale croissante sur Israël et ses alliés, ainsi que la décision de la Cour internationale de justice d’augmenter l’entrée des fournitures commerciales et de l’aide vitale, et de garantir leur entrée et leur distribution de manière rapide, efficace et sans entrave, 98 camions en moyenne sont entrés dans la bande de Gaza chaque jour en février, soit environ la moitié du nombre de camions entrés en janvier.

Le nombre de camions entrant dans la bande de Gaza avant le 7 octobre était de 500 par jour, souligne Euro-Med Monitor, mais les besoins réels des habitants de la bande de Gaza dépassent désormais même cette quantité d’aide étrangère. En effet, Israël a largement ciblé les besoins de base de la population, ainsi que les capacités de production interne de la bande de Gaza, soit en bombardant et en détruisant, soit en coupant toutes les sources de production, y compris le carburant, l’électricité et les matières premières, dans le cadre d’un siège israélien total et brutal au cours des cinq derniers mois.

En outre, la population de la bande de Gaza a plus que jamais besoin de soins médicaux, en particulier pour les malades et les blessés, les femmes, les enfants et les personnes âgées. Ces besoins sont dus au nombre massif de victimes et de blessés quotidiens en raison des attaques de l’armée israélienne, de la propagation rapide des maladies infectieuses et des épidémies, et de l’absence de personnel de santé en raison des destructions, du siège et de l’interruption de l’approvisionnement par les Israéliens.

Euro-Med Monitor affirme qu’Israël a non seulement réduit le nombre de camions d’aide humanitaire autorisés à entrer dans la bande de Gaza, mais qu’il a également sapé la distribution de l’aide et les mécanismes de protection dans le cadre de son plan de dépeuplement total de la ville de Gaza et du nord de la bande de Gaza. L’objectif d’Israël, selon l’organisation de défense des droits de l’homme, est de forcer les Palestiniens à évacuer vers le sud en recourant à la violence militaire, à l’intimidation et à l’utilisation de la famine comme arme.

Bien que l’on puisse espérer que les largages aériens de nourriture et d’autres fournitures qui ont été autorisés à entrer dans la bande ces derniers jours compenseront partiellement la réduction de l’aide arrivant par voie terrestre, il existe toujours un risque de famine généralisée et de forte augmentation de la malnutrition parmi l’ensemble de la population de la ville de Gaza et de son nord, en particulier les personnes âgées, les enfants, les femmes enceintes et les mères qui allaitent.

Euro-Med Monitor a déclaré qu’il tenait les Nations unies et la communauté internationale pour responsables de l’échec, à ce jour, de la mise en place de canaux appropriés pour l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à nourrir les affamés, et les a qualifiées de complices des opérations de meurtre et de famine qui ont pris pour cible des centaines de milliers de civils gazaouis.

L’organisation de défense des droits de l’homme a exhorté tous les pays à établir un pont aérien direct vers la bande de Gaza, à effectuer des largages aériens fréquents et importants sur l’ensemble de la bande, en particulier sur la ville de Gaza et le nord de la bande, et à prendre part à la confrontation et à la mise en échec du plan israélien visant à déplacer de force les Palestiniens de la bande, un plan contre lequel de nombreuses nations ont été mises en garde à plusieurs reprises depuis le début de la guerre génocidaire d’Israël contre la bande de Gaza.

Euro-Med Monitor a souligné que les meurtres intentionnels et illégaux et les exécutions extrajudiciaires commis par l’armée israélienne contre des Palestiniens dans leur capacité civile – c’est-à-dire contre des Palestiniens qui n’étaient pas impliqués dans des hostilités – constituent de graves violations du droit humanitaire international et sont apparemment des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes qui relèvent du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ces crimes constituent également des actes de génocide à l’encontre de la population de la bande de Gaza, qu’Israël commet depuis le 7 octobre, rappelle l’organisation de défense des droits de l’homme. Ces crimes violent le droit à la vie des Palestiniens, conformément au droit international des droits de l’homme.

L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme a renouvelé ses appels à la formation d’un comité d’enquête international indépendant spécialisé dans l’attaque militaire en cours sur la bande de Gaza, et à l’habilitation du comité d’enquête international indépendant concernant le territoire palestinien occupé, qui a été formé en 2021, à mener à bien son travail. Le comité formé en 2021 doit se voir garantir l’accès à la bande de Gaza et être autorisé à ouvrir les enquêtes nécessaires sur tous les crimes et violations commis contre les Palestiniens dans cette région.

Euro-Med Monitor a exhorté la communauté internationale à faire pression sur Israël de toutes parts, en utilisant tous les outils disponibles, afin de l’empêcher de mener ses politiques illégales, en particulier le déplacement forcé et l’expulsion des citoyens palestiniens et l’utilisation de la famine comme arme de destruction massive contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza.

Au lieu d’étendre les opérations d’aide et de faciliter l’entrée des fournitures humanitaires dans la bande de Gaza, Israël a délibérément renforcé les restrictions imposées aux camions d’aide qui tentent d’accéder à l’enclave, a affirmé Euro-Med Monitor. Israël a également continué à mener des opérations militaires, entraînant l’effondrement de l’ordre civil et l’aggravation de la crise humanitaire généralisée dans la bande de Gaza. De plus, les mesures de sécurité israéliennes rendent extrêmement difficile l’acheminement de l’aide par Rafah et Kerem Shalom, les deux points de passage frontaliers désignés pour l’entrée de l’aide humanitaire.

Appel à action / Interpellez vos député·es pour que la France saisisse la Cour pénale internationale sur la situation à Gaza

Depuis le 7 octobre 2023, l’État israélien met en œuvre la destruction totale et systématique de la société palestinienne à Gaza. Aux bombardements intensifs et assauts terrestres, ayant causé la mort de plus de 30000 civil.es palestinien·nes, s’ajoutent le blocage de l’aide humanitaire et la destruction des infrastructures essentielles (eau, électricité, hôpitaux) causant famine et maladies. Israël est en train de commettre un génocide sous nos yeux.

Au cours des derniers mois, le gouvernement français est passé de la proclamation d’un soutien inconditionnel à l’expression publique de craintes, ce qui est largement insuffisant. Il n’a activé aucun des instruments du Droit International à sa disposition pour faire cesser le Génocide, comme il devrait le faire en vertu de ses obligations au regard de la Convention pour la prévention du Crime de Génocide. Le Parlement français, quant à lui, n’y a pas consacré un seul débat depuis le mois d’octobre 2023.

Une proposition de résolution transpartisane (cosignée par plus de 70 député·es issu·es de quatre groupes parlementaires) visant à saisir la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation à Gaza et notamment sur la qualification de génocide pour les crimes commis par l’armée israélienne, a été déposée à l’Assemblée Nationale. Afin que cette résolution soit débattue et votée, elle doit être signée et soutenue par un bien plus grand nombre de député·es.

>> Voir la Proposition de Résolution


Appel à action / Stop Génocide ! la France doit saisir la CPI : écrivez à vos député·es

1) Écrivez à vos député·es

Ils doivent se mobiliser en grand nombre pour que la Résolution 2073 soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale.

Nous citoyen·nes français.es devons exiger de nos représentant·es que la voix de la France ne reste pas silencieuse. Un Génocide ça ne se regarde pas, ça s’arrête !

>> J’écris à mes député·es – en quelque clics seulement

2) Partagez cet appel à action sur les réseaux sociaux

Encouragez vos ami·es, votre famille, tous vos réseaux à agir eux aussi ! Plus nous serons nombreux·ses, plus notre voix sera entendue !

Violence des colons : Le plan israélien de nettoyage ethnique de la Cisjordanie

L’État israélien encourage activement la violence des colons à l’encontre des Palestiniens dans le cadre de sa politique de déplacement déterminée de longue date.

Alice Panepinto

Maître de conférences en droit à l’université Queen’s de Belfast

Triestino Mariniello

Professeur de droit à l’Université John Moores de Liverpool

https://www.aljazeera.com/opinions/2024/2/26/settler-violence-israels-ethnic-cleansing-plan-for-the-west-bank

26 février 2024

Des colons israéliens illégaux marchent avec des matraques et des haches dans une rue alors que des colons israéliens ont attaqué des habitants et des magasins palestiniens dans la ville de Huwara en Cisjordanie occupée le 13 octobre 2022 [File : Oren Ziv/AFP].

Le 8 février, des colons israéliens ont attaqué des bergers palestiniens qui faisaient paître leurs troupeaux dans la communauté de Sadet a-Tha’leh, près d’Hébron, en Cisjordanie occupée. Ils ont expulsé les Palestiniens du pâturage et ont utilisé des drones pour effrayer leur bétail. En conséquence, les bergers ont subi de lourdes pertes, car nombre de leurs animaux terrifiés ont fait des fausses couches et sont morts-nés en pleine saison de l’agnelage.

Cet incident n’est pas unique et fait partie de ce que les défenseurs des droits de l’homme décrivent comme une “guerre économique menée par les colons, qui entraîne des déplacements de population”.

Ce qui s’est passé à Sadet a-Tha’leh est l’un des 561 incidents d’attaques de colons israéliens contre des Palestiniens, que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a enregistrés entre le 7 octobre et le 20 février. Depuis le 17 janvier, les colons ont tué au moins huit Palestiniens et en ont blessé 111, selon la base de données de l’OCHA. Les vagues de violence répétées des colons, souvent soutenus par l’armée, ont entraîné le déplacement de 1 208 Palestiniens, dont 586 enfants, répartis dans 198 foyers.

Bien que les organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme aient tendance à considérer ces actes de violence comme des incidents distincts, ils constituent une brutalité systématique exercée par des colons extrémistes sur la population palestinienne de la Cisjordanie occupée, parallèlement aux actes vraisemblablement génocidaires perpétrés par l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

Soutenue par les forces de sécurité israéliennes et encouragée par le gouvernement, la violence des colons est un élément central de la politique et du plan de l’État israélien visant à nettoyer ethniquement le territoire palestinien occupé afin d’y établir sa pleine souveraineté et de permettre l’expansion des colonies – bien que celles-ci soient illégales au regard du droit international.

L’entreprise de colonisation : Illégale dans son ensemble

Les colonies de peuplement sont une série de colonies urbaines parrainées par l’État (ou largement tolérées par l’État, dans le cas d’avant-postes et de “fermes” plus informels) construites pour les Israéliens en Cisjordanie et sur le plateau du Golan occupés.

Toutes les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international, car elles violent l’article 49 de la quatrième convention de Genève, ratifiée par Israël. En outre, les plans d’expansion des colonies sont souvent utilisés pour consolider l’annexion de facto par Israël des territoires occupés, en violation de l’interdiction de la conquête territoriale par la force énoncée à l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations unies.

Malgré la clarté du droit international en la matière, soutenu par la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies de 2016 à laquelle les États-Unis n’ont pas opposé leur veto, Israël a mis en place les conditions politiques et les incitations économiques, ainsi que le soutien infrastructurel, pour l’expansion de 279 colonies en Cisjordanie, dans lesquelles résident quelque 700 000 colons.

L’empreinte des colonies s’étend au-delà des zones urbaines fortifiées jusque dans la campagne environnante, où les familles palestiniennes vulnérables vivent dans la crainte constante d’attaques contre leurs maisons, les troupeaux dont elles dépendent pour vivre, et leur vie en général.

Dans certaines des 16 communautés palestiniennes transférées de force depuis le 7 octobre, comme Khirbet Zanuta dans les collines du sud d’Hébron, les colons ont déjà clôturé les terres, les contrôlant de fait pour leur propre usage et empêchant les communautés palestiniennes de revenir.

La violence des colons comme violence d’État

Les positions politiques des colons extrémistes, au cœur desquelles se trouve le désir de débarrasser la Cisjordanie occupée des Palestiniens, sont entrées dans le courant politique israélien.

Après des incidents très médiatisés de violence de la part des colons, des représentants du gouvernement ont adopté et soutenu de tels actes. Des ministres du gouvernement ont ouvertement incité les colons à commettre des actes violents contre les Palestiniens. L’année dernière, par exemple, le ministre des finances Bezalel Smotrich a appelé à l’extermination de la ville palestinienne de Huwara.

Les colons bénéficient non seulement d’un soutien politique, mais aussi d’un soutien militaire. Au cours des deux dernières décennies, le déploiement des forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie pour aider à “sécuriser” les colonies israéliennes illégales s’est accru. En outre, des “unités de défense territoriale” composées de colons ont été créées, formées et armées par l’armée israélienne.

Pendant des années, des colons armés ont attaqué des Palestiniens sous la protection et avec la participation des forces de sécurité israéliennes.

Depuis le 7 octobre, de nombreuses unités de l’armée ont été déployées sur le front de Gaza, ce qui a donné aux unités de défense territoriale des colons un rôle encore plus important dans l’établissement du contrôle sur les terres occupées. La frontière entre les forces de sécurité et les colons armés est de plus en plus floue, en particulier sous la direction du ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir. Ces derniers mois, il a ordonné la distribution de milliers d’armes à feu et d’autres équipements de combat aux colons.

Bien que perpétrée par des citoyens privés, la violence des colons en Palestine occupée ne peut être comprise que comme une violence d’État. Le droit international applicable, notamment les articles sur la responsabilité de l’État pour des actes internationalement illicites, confirme qu’une série d’actes commis par des acteurs non étatiques, tels que les colons armés israéliens, peuvent être attribués à l’État.

L’éminente organisation de défense des droits de l’homme B’Tselem a décrit la violence des colons comme une forme de violence d’État, par laquelle Israël peut “jouer sur les deux tableaux”. Il peut prétendre qu’il s’agit d’une violence perpétrée par des particuliers – quelques “pommes pourries” parmi les colons – et nier le rôle de ses propres forces de sécurité, tout en bénéficiant de ses conséquences – l’expulsion des Palestiniens de leur terre.

Abandon du devoir de protection

En vertu du droit international, Israël, en tant que puissance occupante, a l’obligation de protéger la population palestinienne. Néanmoins, la violence des colons se produit ouvertement et au mépris total des lois de la guerre et des droits de l’homme.

Le fait que les forces de sécurité israéliennes aient accompagné et protégé les colons dans leurs accès de violence indique clairement qu’elles ignorent activement leurs responsabilités légales à l’égard de la population occupée.

L’absence d’obligation de rendre compte des violences commises par les colons devant les tribunaux israéliens – militaires ou civils – montre que les autorités israéliennes ne sont pas disposées à mettre fin à l’impunité. En 2013, une mission d’enquête de l’ONU avait déjà signalé que “les autorités israéliennes connaissent l’identité des colons responsables d’actes de violence et d’intimidation, mais ces actes se poursuivent en toute impunité”.

Une enquête plus récente menée par une ONG de défense des droits de l’homme a révélé qu’entre 2005 et 2023, la police israélienne a classé 93,7 % des dossiers d’enquête concernant des Israéliens ayant porté atteinte à des Palestiniens et à leurs biens en Cisjordanie occupée. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement actuel en décembre 2022, 57,5 % des victimes palestiniennes de crimes israéliens ont choisi de ne pas porter plainte par manque de confiance dans le système.

La violence des colons a été adoptée par l’État israélien comme un outil permettant d’accélérer le rythme des déplacements de Palestiniens. Une fois que des parties importantes de la Palestine occupée sont nettoyées des communautés palestiniennes autochtones, l’entreprise de colonisation peut se poursuivre sans relâche et sans opposition, et l’annexion peut également avoir lieu.

Étant donné que les activités de colonisation constituent une violation reconnue du droit international, la communauté internationale ne peut tolérer la violence des colons qui chassent les Palestiniens de leurs terres pour faciliter l’expansion des colonies.

Des enquêtes sur la situation en Palestine sont en cours à la Cour pénale internationale (CPI). Le procureur de la CPI, Karim Khan, a confirmé que son bureau accélérait les enquêtes relatives à la violence des colons, soulignant qu'”Israël a la responsabilité fondamentale, en tant que puissance occupante”, d’enquêter sur ces crimes et d’en poursuivre les auteurs, d’empêcher qu’ils ne se reproduisent et de garantir la justice.

Selon nous, les enquêtes de la CPI ne pourraient avoir un effet dissuasif que si elles couvraient le rôle des autorités israéliennes dans la facilitation de cette violence, mais aussi l’illégalité des colonies. Le “transfert de civils” par la puissance occupante est en effet l’un des crimes de guerre présumés les plus documentés en Israël.

Nous estimons également que les récentes sanctions imposées par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d’autres États à l’encontre de colons individuels violents manquent de perspicacité. En ciblant des individus, mais pas l’État, les puissances occidentales continuent de donner à Israël un laissez-passer lorsqu’il s’agit de violer les droits des civils palestiniens vivant sous l’occupation israélienne.

Au contraire, la communauté internationale doit clairement et sans hésitation attribuer la violence des colons à l’État israélien et demander des comptes à ses représentants dans les forums internationaux appropriés pour ne pas avoir pris de mesures décisives afin de la prévenir, de l’arrêter et d’en inverser les effets.

Traduction AFPS-Rennes

L'audience de la Cour internationale de justice sur la légalité de l'occupation israélienne s'achève après une semaine de témoignages

Plus de 50 pays ont témoigné devant la CIJ sur la légalité de l’occupation israélienne, la majorité d’entre eux présentant des arguments convaincants en faveur de la responsabilité d’Israël et de la justice pour les Palestiniens. Un avis consultatif est attendu dans le courant de l’été.

https://mondoweiss.net/2024/02/world-court-hearing-on-legality-of-israeli-occupation-ends-following-week-of-testimony/

Par David Kattenburg 26 février 2024

Yvonne Dausab, ministre de la justice de Namibie, s’est jointe aux représentants de plus de 50 nations pour présenter à la Cour internationale de justice un témoignage sur la légalité de l’occupation israélienne. (Photo : Cour internationale de justice)

Israël et ses alliés ont remué ciel et terre pour empêcher la tenue d’un débat juridique sur son occupation militaire de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est. La semaine dernière, à La Haye, ce débat a finalement eu lieu.

Le lundi 19 février, en réponse à une demande d’avis autorisé formulée fin décembre par l’Assemblée générale des Nations unies, l’organe judiciaire suprême de l’ONU a organisé des auditions sur les “conséquences juridiques” découlant des “politiques et pratiques” israéliennes au cours des 56 années d’occupation belligérante des territoires palestiniens, y compris Jérusalem-Est.

En d’autres termes, sur la légalité de l’occupation israélienne et sur ce que les États membres de l’ONU doivent faire pour tenir Israël pour responsable en vertu du droit international.

Les audiences de la Cour internationale de justice (CIJ) se sont achevées en fin d’après-midi, à l’heure des Pays-Bas.

Sommés par le président libanais de la Cour, Nawaf Salam, de limiter leurs commentaires à trente minutes, les diplomates et avocats de cinquante nations et de trois organisations se sont présentés devant les quinze juges de la CIJ, exposant faits et arguments.

Beaucoup se sont émus.

Des “principes moraux exceptionnels pour l’humanité” sont en jeu, a déclaré l’ambassadeur du Bangladesh, Riaz Hamidullah. “Les Palestiniens ne sont pas un peuple dont on peut se passer.

Le peuple palestinien avait droit à l’indépendance en 1948, comme tous les autres territoires sous mandat de la Société des Nations, a déclaré l’ambassadeur du Belize, Assad Shoman, dans un discours incisif.

“Aucun État ne se réserve le droit de violer systématiquement les droits d’un peuple à l’autodétermination , à l’exception d’ Israël”, a déclaré M. Shoman. “Aucun État ne cherche à justifier l’occupation indéfinie du territoire d’autrui, sauf Israël. Aucun État ne commet d’annexion et d’apartheid en toute impunité, sauf – semble-t-il – Israël… Israël doit être contraint de se comporter comme toutes les nations civilisées : cessez de violer le droit international et les résolutions de l’ONU ! Respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. La Palestine doit être libre !

L’Afrique du Sud partage ce sentiment.

“En tant que Sud-Africains, nous sentons, voyons, entendons et ressentons au plus profond de nous-mêmes les politiques et pratiques inhumaines et discriminatoires du régime israélien comme une forme encore plus extrême de l’apartheid institutionnalisé contre les Noirs dans mon pays”, a déclaré à la Cour Vusimuzi Madonsela, ambassadeur d’Afrique du Sud aux Pays-Bas.

“Aucun pays n’est au-dessus de la loi”, a déclaré la ministre indonésienne des affaires étrangères, Retno Marsudi. “L’Indonésie estime que cette requête juridique est également une requête de la conscience mondiale. Elle ne doit pas être un nouvel appel à rester lettre morte, ignoré de manière flagrante par Israël. Plus jamais ça veut dire plus jamais ça”.

Décrivant les actes illicites d’Israël, l’ambassadeur palestinien auprès des Nations unies, Riyad Mansour, et le Koweïtien Ali Ahmad Ebraheem Al-Dafri se sont mis à pleurer. M. Al-Dafri s’est efforcé de retrouver son calme et s’est excusé auprès du tribunal.

Beaucoup se sont tournés vers l’histoire : la déclaration Balfour de 1917, les “obligations de confiance sacrées” inscrites dans l’article 22 du pacte de la Société des Nations de 1919, la décolonisation, le début du mandat britannique en 1922, l’accord de partition de 1947, la Nakba et la guerre des six jours de 1967.

S’interrogeant sur l’assaut israélien contre Gaza, le professeur de droit algérien Ahmed Laraba a évoqué l’homme d’État romain Caton l’Ancien, “obsédé par Carthage, dont le leitmotiv était l’expression “Carthago delenda est”, comme nous pouvons dire aujourd’hui que “Gaza destructum est”“.

À quelques exceptions près, les alliés d’Israël semblent avoir accepté l’inévitabilité d’un avis consultatif de la CIJ et s’emploient désormais à limiter les dégâts.

Richard Visek, avocat du département d’État américain, a exhorté la Cour à émettre l’avis le plus restreint possible, en se concentrant sur le processus de paix, par respect pour les efforts américains au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

La France, la Norvège et le Luxembourg ont appelé à une justice plus stricte. La ministre irlandaise des affaires étrangères, Rossa Fanning, a fait de même, dans une présentation convaincante et précise qui a captivé les juges de la Cour – lunettes à la main, tête penchée, menton sur la paume des mains.

“Ni la durée de l’occupation, ni l’échelle et l’étendue des activités de colonisation [d’Israël] ne sont, de l’avis de l’Irlande, justifiées ou autorisées par la loi régissant l’usage de la force en cas de légitime défense”, a déclaré Mme Fanning à la Cour, suggérant que l’occupation israélienne est sans doute illégale, et certainement contre-productive.

“Si la sécurité d’un peuple ne peut être assurée que par l’occupation, pendant tant de décennies, du territoire d’un autre peuple, on peut se demander s’il existe une solution militaire au problème qu’elle est censée résoudre”, a déclaré M. Fanning.

Fidèle à la réputation des Pays-Bas en tant que berceau du droit international moderne, le conseiller juridique néerlandais René Lefeber a passé la demi-heure qui lui était impartie à exposer le canon juridique international, sans prononcer une seule fois les noms d’Israël ou de la Palestine.

Crimes graves

Les violations du droit international commises par Israël sont considérables et flagrantes, a-t-on appris auprès de la plus haute juridiction de l’ONU, après six jours de plaidoiries et 57 déclarations écrites déposées par des États membres de l’ONU et trois organisations – la Ligue des États arabes, l’Organisation de la coopération islamique et l’Union africaine.

En tête de liste des “actes illicites” présumés d’Israël : l’acquisition du territoire palestinien par la force, le déni du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, l’imposition d’un assujettissement et d’une domination étrangère, la discrimination raciale et l’apartheid, et – le crime des crimes – le génocide.

Hiérarchiquement supérieures dans le canon juridique, les normes interdisant ces actes ont été codifiées comme “coutumières” (universelles et contraignantes) par la Commission du droit international affiliée aux Nations unies.

Nombre d’entre elles sont des normes “impératives”(jus cogens), qui ne souffrent aucune dérogation. En langage courant, elles sont obligatoires.

Les normes impératives “donnent lieu à des obligations envers la communauté internationale dans son ensemble”, erga omnes. Tous les États ont intérêt à les faire respecter. Les États sont tenus de ne pas reconnaître les situations résultant de violations de ces normes, de refuser leur aide ou leur assistance et de coopérer pour mettre fin aux violations graves.

Les violations les plus graves attribuées à Israël – le génocide et l’apartheid – sont classées comme “crimes contre l’humanité” dans le statut de Rome de la Cour pénale internationale.

L’avocate britannique Philippa Webb, membre de l’équipe juridique du Belize, s’est concentrée sur l’apartheid israélien.

“En Cisjordanie, il y a le mur de séparation, des exigences restrictives en matière de permis, des points de contrôle et des routes séparées”, a déclaré Mme Webb à la Cour. “Des millions de Palestiniens sont confinés dans des bandes de terre de plus en plus petites, ce qui constitue le siège le plus long et le plus complet de l’histoire moderne pour le plus grand nombre. L’ensemble de Gaza est devenu un ghetto appauvri et désespéré”.

Violation des lois d’occupation

Plus bas dans la hiérarchie des actes israéliens répréhensibles présentés à la CIJ lors des audiences pour avis consultatif qui se sont achevées aujourd’hui – de nombreuses violations des lois de la guerre et de l’occupation, codifiées dans la quatrième Convention de Genève de 1949. Plusieurs d’entre elles sont considérées comme des “infractions graves” au sens du protocole additionnel de Genève IV et comme des crimes de guerre au sens du statut de Rome.

Il s’agit notamment des punitions collectives, de la confiscation et de la destruction des terres, de l’appropriation des ressources naturelles, des restrictions de mouvement, du pillage, des homicides illégaux, des attaques contre les hôpitaux, les établissements d’enseignement et les journalistes, des transferts forcés et de l’emprisonnement des Palestiniens à l’intérieur de la ligne verte.

La plus grave des violations israéliennes des lois de l’occupation, son entreprise de colonisation, vise clairement à rendre impossible la création d’un État palestinien indépendant, ont déclaré de nombreux États à la Cour cette semaine.

“La caractéristique principale de l’occupation par Israël du territoire palestinien en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, a été la poursuite de la colonisation”, a déclaré Rossa Fanning, procureur général de l’Irlande, à la Cour.

“En transférant une partie de sa propre population civile dans le territoire palestinien occupé, Israël a violé l’article 49, paragraphe 6, de la quatrième convention de Genève”, a déclaré Mme Fanning.

L’entreprise de colonisation d’Israël, accompagnée de l’application des lois et de l’administration israéliennes dans le territoire palestinien occupé, constitue une “forme déguisée d’annexion”, a déclaré M. Fanning aux juges.

L’annexion équivaut à l’acquisition d’un territoire par la force – l’un des actes illicites les plus graves, a déclaré M. Fanning, ce qui rend l’occupation illégale.

L’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Gaza, “dans le cadre de la guerre qu’il a lancée” contre l’Égypte et la Jordanie (donc un acte d’agression), était illégale dès le départ, a déclaré Ralph Wilde, conseiller juridique de la Ligue des États arabes, à la Cour. Même si la guerre était un acte légal d’autodéfense, a déclaré M. Wilde, sa justification “s’est arrêtée au bout de six jours”.

Un demi-siècle plus tard, l’occupation israélienne constitue un usage illégal et continu de la force, a déclaré M. Wilde.

Comme on pouvait s’y attendre, l’avocat du département d’État américain, Richard Visek, n’était pas d’accord. Selon lui, Israël se défendait en juin 1967. En outre, les lois relatives à l’occupation belligérante ne disent rien sur sa durée. Le statut juridique de l’occupation repose uniquement sur la façon dont un pays envahit un territoire(jus ad bellum), et non sur la façon dont il mène cette occupation(jus in belo), ou sur la durée de l’occupation, a déclaré M. Visek.

“Selon cette approche, a rétorqué un autre membre de l’équipe juridique du Belize, Ben Juratowitch, une puissance occupante qui a légalement établi une occupation ne serait pas limitée par la loi quant à la durée de cette occupation… Cela signifierait évidemment qu’une occupation pourrait légalement devenir indéfinie. Et cela doit être incorrect”.

Conséquences juridiques

Après avoir exposé les politiques, pratiques et actes illicites d’Israël qui rendent son occupation illégale, les avocats ont expliqué à la Cour les conséquences juridiques auxquelles Israël doit faire face.

“Israël doit démanteler le régime physique, juridique et politique de discrimination et d’oppression […], évacuer les colons israéliens des territoires palestiniens, permettre aux Palestiniens de retourner dans leur pays et dans leurs biens, et lever le siège et le blocus de Gaza”, a déclaré Philippa Webb, membre de l’équipe bélizienne, à la Cour.

“Ces conséquences, prises collectivement, signifient qu’Israël doit se retirer immédiatement, inconditionnellement et totalement de l’ensemble du territoire palestinien”, a déclaré Mme Webb.

Le recours du Belize a été appuyé par la quasi-totalité des exposés présentés à la Cour au cours de la semaine écoulée.

Les alliés d’Israël poussent la Cour à ne pas rendre d’avis

Une fois les sessions orales terminées, la Cour internationale de justice peut soit accéder à la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale, soit – en exerçant son pouvoir discrétionnaire – refuser de le faire, ce qu’elle n’a jamais fait.

Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et une poignée d’autres États – parmi lesquels la Zambie, représentée ce matin par son avocat général richement perruqué, et Fidji, clairement ami d’Israël, qui a qualifié la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale de “manœuvre juridique” “nettement unilatérale” pour contourner le “processus de paix”, en attribuant des conséquences juridiques à une seule des parties au “conflit” – espèrent une première.

La Cour a des “raisons impérieuses” de ne pas émettre d’avis consultatif, affirment-ils. Israël n’a pas accepté la compétence de la CIJ sur ce qui s’apparente à un “différend bilatéral”, mieux résolu par la négociation entre les deux parties ; le droit international s’y opposerait ; “saisi” de la situation depuis 1967, le Conseil de sécurité a une autorité supérieure à celle de l’Assemblée générale sur ces questions ; un avis consultatif compliquerait la poursuite par le Conseil de son “cadre pour la terre contre la paix”, fondé sur les accords d’Oslo.

Si la Cour émet un avis sur l’occupation israélienne, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Zambie et les Fidji ont fait valoir qu’elle devrait s’abstenir d’examiner les causes profondes exceptionnellement complexes de la situation, qui remontent à un siècle, sur la base de plus de 15000 pages de documents qui lui ont été fournis par l’Assemblée générale et que la Cour n’a pas la capacité d’évaluer.

D’autres ont qualifié ces arguments de “fallacieux” (Koweït), “pervers” (Liban), “fiction” (Arabie saoudite), “mythe” (Organisation de la coopération islamique), et d'”affront à l’État de droit” (Ligue des États arabes).

“Ces [raisons] ont été constamment écartées par la Cour”, a ajouté le juriste algérien Ahmed Laraba, citant directement plusieurs avis consultatifs antérieurs de la Cour.

Un avis consultatif de la CIJ sur l’occupation prolongée d’Israël faciliterait en fait la conclusion d’un accord négocié, selon certains.

“Une caractérisation juridique claire de la nature du régime d’Israël sur le peuple palestinien ne peut qu’aider à remédier au retard actuel dans la réalisation d’un règlement juste”, a déclaré l’ambassadeur d’Afrique du Sud aux Pays-Bas, Vusimuzi Madonsela, à la Cour.

Le conseiller juridique néerlandais Rene Lefeber a déclaré à la Cour que la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale “devrait être considérée dans un cadre de référence beaucoup plus large qu’un différend bilatéral”.

L’autodétermination, a rappelé M. Lefeber aux juges, est un “droit permanent, continu, universel et inaliénable à caractère impératif”. Si ce droit est nié, a-t-il ajouté – ce qui est remarquable – les peuples vivant sous domination coloniale, apartheid ou occupation étrangère ont le droit de se libérer “par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée […] conformément au droit international”.

Conséquences d’un avis consultatif puissant

N’ayant pas réussi à éviter les audiences de la CIJ, Israël est maintenant au pied du mur. Contrairement à l’ordonnance de mesures préliminaires rendue par la Cour le 26 janvier en réponse à la requête de l’Afrique du Sud pour génocide, les avis consultatifs ne sont pas contraignants.

Néanmoins, ils ont une autorité considérable et il est difficile de les ignorer. Israël le fera certainement.

Mais les retombées d’un avis consultatif de la CIJ de portée générale, dans le courant de l’été, promettent d’être énormes.

Il “aidera à préparer le terrain, politiquement, pour ce qui est considéré comme légitime dans la communauté internationale, dans les salles des Nations unies, dans les capitales des États du monde entier, lorsqu’ils traitent de la question de la Palestine”, a déclaré Ardi Imseis, spécialiste canadien du droit international et conseiller juridique de l’État de Palestine, à Mondoweiss, le premier jour des auditions.

“Plus particulièrement, parce que l’occupation est illégale et constitue un acte internationalement illicite, les États tiers ne seraient pas autorisés à continuer à engager l’État d’Israël, la puissance occupante, en ce qui concerne le territoire palestinien occupé, de la même manière qu’ils l’ont fait au cours des 56 dernières années”, a déclaré M. Imseis.

“Cela signifie la fin de tout commerce d’armes ; cela signifie la fin de tout commerce de produits issus des colonies.

“Une violation grave d’une norme impérative autorise les États autres que l’État lésé à prendre des contre-mesures à l’encontre de l’État responsable en tant que conséquence juridique de cette violation”, a confirmé la semaine dernière à la CIJ le conseiller juridique du ministère néerlandais des affaires étrangères, M. René Lefeber. C’est ce qu’ont fait les Pays-Bas fin janvier, en interrompant la fourniture de pièces détachées de F-35 à Israël.

Le gouvernement américain sera également mis en cause. Les récentes sanctions américaines contre les colons violents et la confirmation par Antony Blinken que les colonies israéliennes sont “incompatibles” avec le droit international suggèrent une volonté croissante de tenir Israël pour responsable de ses violations des normes impératives, comme l’exige le droit international.

Les poursuites stratégiques promettent de proliférer.

En réponse à l’ordonnance de mesures conservatoires rendue le 26 janvier par la CIJ à l’encontre d’Israël, le juge Jeffrey White de la Cour de district des États-Unis a cité des “preuves incontestables” selon lesquelles “le siège militaire en cours à Gaza vise à éradiquer un peuple entier et relève donc plausiblement de l’interdiction internationale du génocide”.

Le juge White a “imploré” les responsables américains “d’examiner les résultats de leur soutien indéfectible” à Israël.

Un avis consultatif décisif ne manquera pas de mettre du vent dans les voiles du mouvement BDS.

En novembre dernier, peu après le début de l’assaut israélien contre Gaza, le fonds de pension norvégien a achevé de retirer son investissement d’un demi-milliard de dollars dans des obligations israéliennes.

La semaine dernière, quatre universités norvégiennes auraient rompu leurs liens avec leurs homologues israéliennes.

Et, alors que la CIJ rédige son avis consultatif sur la légalité de l’occupation israélienne, elle construira également la base factuelle de son jugement sur le génocide dans deux ou trois ans.

“Je suis pleine d’espoir”, a déclaré Giulia Pinzauti à Mondoweiss, dans un café situé en bas de la rue du Palais de la Paix.

“Tout le monde parle de génocide, comme si c’était la seule question qui se posait”, a déclaré Mme Pinzauti. “Il est clair qu’il existe un problème beaucoup plus important concernant la légalité de l’occupation et les pratiques discriminatoires d’Israël dans les territoires occupés. C’est pourquoi je pense que cet avis consultatif est extrêmement important… une bonne préparation pour, je l’espère, le fond de l’affaire concernant la Convention sur le génocide, parce qu’il place les choses dans un contexte beaucoup plus large”.

En attendant, explique M. Pinzauti – qui donne un cours sur la CIJ à l’université de Leyde – le prochain avis consultatif de la CIJ sur les conséquences juridiques de l’occupation prolongée d’Israël promet de transformer le paysage politique.

“Il est difficile pour les décisions judiciaires de changer les choses sur le terrain, et c’est là que les impacts sont vraiment nécessaires”, a déclaré M. Pinzauti à Mondoweiss. “J’espère que les décisions judiciaires, les prises de position ou les avis consultatifs contribueront à façonner les politiques des États de manière à avoir un effet sur le terrain, là où c’est vraiment, vraiment nécessaire… Je pense que cela peut jeter les bases d’une paix juste et durable”.

David Kattenburg

David Kattenburg est professeur de sciences à l’université et journaliste radio/web basé à Breda, dans le Brabant-Septentrional, aux Pays-Bas.

Traduction AFPS-Rennes