BOYCOTT, DÉSINVESTISSEMENT, SANCTIONS : pour en finir avec l’occupation, la colonisation et l’apartheid israéliens et pour imposer le droit.

UNE REPONSE NON VIOLENTE AU DENI DU DROIT

L’adoption par Israël en juillet 2018 de la loi sur « l’État-nation du peuple juif » a inscrit dans la loi fondamentale de l’État d’Israël sa politique d’apartheid et son déni des droits du peuple palestinien. Elle vient s’ajouter à la colonisation, à l’occupation, à la répression contre le peuple palestinien, à la poursuite du blocus de Gaza et à la répression sanglante des manifestations non armées, au refus du droit au retour des réfugiés palestiniens.

C’est à ce déni du droit, auquel le peuple palestinien est soumis dans ses différentes composantes, que répond la campagne internationale BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), un mouvement non-violent créé en juillet 2005 par 170 organisations de la société civile palestinienne, et qui depuis s’est développé partout dans le monde. C’est un mouvement qui tire aussi sa richesse de sa diversité, les organisations y participent en tenant compte des conditions spécifiques de leurs pays.

L’Association France Palestine Solidarité est signataire de cette campagne internationale lancée par la société civile palestinienne pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions tant qu’Israël ne respecte pas le droit international. Nous menons cette campagne en France, avec nos partenaires, en affichant clairement les principes et les choix qui sont les nôtres.

NOS PRINCIPES

Agissant pour le respect du droit international et des droits de l’Homme, nous souscrivons à l’ensemble des objectifs de la campagne internationale BDS : la fin de l’occupation par Israël des territoires qu’il a conquis par la force en 1967, l’égalité entre tous les citoyens de l’État d’Israël, l’exercice du droit au retour des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de l’ONU.

Nous ne remettons pas en cause, ni explicitement, ni implicitement, l’existence de l’État d’Israël. Nous remettons en cause la politique israélienne de colonisation, d’occupation, d’apartheid et de violation continue des droits du peuple palestinien : le droit international, les droits de l’Homme, les droits nationaux, le droit pour chaque individu à être reconnu et à vivre librement.

Il n’y aura pas de solution politique tant qu’une part significative du peuple israélien n’aura pas changé son regard sur le peuple palestinien et sur sa propre histoire. A travers nos actions, nous voulons aussi interpeller l’opinion publique israélienne.
Le respect des droits du peuple palestinien est un objectif partagé par le plus grand nombre de nos concitoyens. Nous cherchons à rassembler l’opinion publique française et peser sur les décisions de notre gouvernement : nous avons donc l’exigence d’être toujours clairs, lisibles, et travailler chaque fois que c’est possible au sein de larges coalitions.

Acteurs de la campagne internationale BDS, nous sommes et restons indépendants dans le choix de nos campagnes et la manière dont nous entendons les mener en France. Nous tenons au principe du ciblage de nos campagnes, de leur argumentation, de la maîtrise de leur style. Nous cherchons à travers nos campagnes à rassembler aussi largement que possible, à ce que nos objectifs soient parfaitement compris, et à obtenir des résultats.

NOS CIBLES ET NOS ACTIONS

B, D, S : dans ses trois dimensions

Nous sommes engagés dans les trois dimensions de la campagne internationale BDS
B : les actions de boycott que nous menons en tant qu’organisation et pour lesquelles nous mobilisons nos concitoyens visent l’apartheid israélien, l’occupation et la colonisation, le déni du droit
D : nous exigeons des entreprises qu’elles aient un comportement éthique, en refusant toute complicité avec la colonisation et l’occupation israéliennes
S : nous demandons à la France, aux autres États européens, à l’Union Européenne elle-même, d’appliquer des sanctions contre l’État d’Israël tant que celui-ci violera le droit international et les droits de l’Homme.

Combattre la colonisation

Agir pour mettre fin à la colonisation est un devoir au sens des conventions internationales ; ce combat est au cœur des actions que nous menons dans de très larges coalitions (syndicats, organisations de défense des droits de l’Homme, ONG nationales et internationales) pour :

  • exiger un comportement éthique des entreprises : ainsi, nous demandons aux banques françaises de retirer tout investissement dans les banques israéliennes, qui sont toutes impliquées dans la colonisation ; et nous demandons aux entreprises françaises impliquées dans le tramway de Jérusalem, en territoire illégalement annexé par Israël, de se retirer de ce projet.
  • mettre fin à l’importation des produits des colonies israéliennes en Palestine occupée : nous exigeons d’abord que l’origine de ces produits soit traçable et correctement étiquetée, mais c’est clairement la fin de la commercialisation de de ces produits sur le marché français et européen que nous demandons aux opérateurs économiques comme à l’État.

Forts de premiers résultats, nous renforçons ces actions avec nos partenaires.

Le boycott des produits, toujours contre les violations du droit  [1]

Les actions de boycott, de désinvestissement et d’appel aux sanctions peuvent concerner l’ensemble des produits et des intérêts israéliens tant que ces actions sont clairement liées aux violations du droit international et des droits de l’Homme par l’État d’Israël.

Au-delà de la question des produits des colonies dont elle demande l’interdiction, l’AFPS peut donc cibler aussi ses campagnes de boycott sur des produits israéliens, en liant toujours clairement ces campagnes aux violations du droit par Israël : c’est le cas de notre campagne « Des dattes étiquetées « Israël » pour les fêtes ? Non merci ! », qui vise la colonisation massive de la vallée du Jourdain par Israël, l’opacité entretenue par l’État d’Israël sur l’origine de ses produits, ainsi que la politique d’apartheid maintenant officialisée par la loi.

Ne chantons pas pour l’apartheid… et sachons agir au cas par cas

La culture est ouvertement utilisée par l’État d’Israël à des fins de propagande, pour promouvoir une image positive malgré les crimes commis contre le peuple palestinien. Après la saison croisée France-Israël, l’Eurovision 2019 est l’exemple de ce type d’opération.

En refusant de se produire en Israël dans le contexte actuel de violation des droits de l’Homme, de nombreux artistes interpellent la société israélienne d’une manière forte et visible. Ils nous disent : ne chantons pas, ne dansons pas, ne jouons pas pour l’apartheid !

Pour autant, nous tenons le plus grand compte de la spécificité du domaine culturel. Si nous nous opposons aux opérations qui sont menées dans un cadre de propagande, nous préférons souvent informer les spectateurs de la situation en Palestine, et engager un dialogue avec les artistes. Nous tenons à nous déterminer au cas par cas, tant le domaine culturel est complexe et ne peut pas toujours entrer dans des critères préétablis.

Dans le domaine universitaire, nous cherchons à démasquer, derrière les beaux discours sur la science, les programmes de recherche militaire. Nous contestons pour cette raison les programmes de coopération institutionnels avec des universités israéliennes, sans remettre en cause les relations entre personnes, qui sont des ponts essentiels entre nos deux sociétés.

Des sanctions contre les crimes de guerre et les violations du Droit

La campagne BDS exprime la puissance du mouvement citoyen, mais c’est aussi sur l’action des États qu’elle doit déboucher. Contre l’impunité qui nourrit les crimes de guerre et la poursuite de la dépossession du peuple palestinien, nous portons l’exigence de sanctions :

  • la suspension de toute coopération militaire et sécuritaire entre la France et Israël : nous ne voulons pas que nos équipements ou nos composants soient exportés en Israël à des fins militaires, et nous ne voulons pas non plus que notre pays achète des armes ni des technologies militaires israéliennes, alors qu’elles sont expérimentées sur les civils palestiniens,
  • la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, placé dans son article 2 sous le signe du respect des droits de l’Homme, tant que l’État d’Israël ne se conformera pas au droit.
  • un soutien résolu à la démarche initiée par la Palestine auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour que les responsables des crimes commis contre le peuple palestinien soient jugés pour leurs crimes.

LE DROIT DE S’EXPRIMER, LE DROIT D’AGIR

Quoi qu’en disent les inconditionnels de la politique israélienne, quels que soient leurs efforts aux côtés du gouvernement israélien pour tenter de faire taire toute contestation de cette politique, le boycott n’est pas interdit en France. Seuls sont interdits par la loi les appels à la haine, le racisme, la discrimination contre des personnes, comportements à l’opposé des valeurs que nous portons.

L’AFPS poursuit ses actions et n’a nullement l’intention de se laisser intimider.

Le recours porté auprès de la Cour Européenne des droits de l’Homme par des militants injustement condamnés devrait mettre en évidence un constat simple : le droit d’appeler au boycott est une composante essentielle de la liberté d’expression et d’action citoyenne.

Boycott Apartheid : une contribution musicale de UK Boycott Eurovision campaign

Dites-le avec du rythme !!!

Les paroles :

You gotta talk it through
And then you gotta give it thought
Cause if you believe in Palestinian human rights
You gotta show support
And soon you will find that there comes a time
For cultural boycott

You gotta learn the facts
And then you gotta make a stand
You can be sure injustice is something
Everybody understands
When you decide that the time’s arrived
For cultural boycott

Boycott divest and sanction
Till Palestine is free
The only course of action
To show our solidarity

Since Israel’s an apartheid state
And racism just isn’t right
But just like with South Africa
We can all join the fight
So now you can see why it’s gotta be
A cultural boycott

[INTERLUDE]

When Palestinians dare to dream
They face Israel’s brutality
Breaking the rules of international law again
With impunity
And that’s how you know that’s it’s time to go
For cultural boycott

Don’t let your indecision
Interrupt your stride
Boycott Eurovision
Don’t help to artwash apartheid

You gotta talk it through
And then you gotta give it thought
Cause if you believe in Palestinian human rights
You gotta show support
And soon you will find that there comes a time
For cultural boycott

You gotta talk it through
And then you gotta give it thought
Cause if you believe in Palestinian human rights
You gotta show support
And soon you will find that the time’s arrived
For cultural boycott
For cultural boycott
For cultural boycott
For cultural boycott

Eurovision : lettre ouverte de militants queer et LGBTI en soutien au peuple palestinien et pour le boycott d'Israël

“Cher et adoré Bilal,
Avant toute chose, MERCI D’EXISTER !

Depuis que tu as fait ton entrée fulgurante sur la scène culturelle française, nous ne cessons de contempler le bien que tu fais à la jeunesse de nos communautés Queer et LGBTI.
Tu représentes un réel symbole de possibilité d’existence positive au sein d’une société qui n’a de cesse de vouloir nous réduire au silence.
Ta voix qui s’élève, est de celle qui ne veut plus se taire. Celle qui ne veut plus s’excuser. Celle qui arrache le droit de pouvoir être appréciée et aimée pour la perfection de ses perruques et la finesse de son sourcil, enragés et flamboyants.

C’est pour cela que, depuis tes débuts, nous nous tenons à tes côtés face aux multiples attaques homophobes, transphobes et racistes dont tu es la cible. Nous nous opposons à toutes formes d’agressivité et d’agression sur ta personne, en cela que nous considérons que tu es actuellement l’un des représentants de toute une jeunesse qui s’émancipe de ses vieux carcans hétérosexuels oppressifs qui continuent encore trop à ravager nos vies.

Cette année, tu as l’intention avec ta chanson Roi de participer au prochain concours européen qu’est l’Eurovision, dont l’édition 2019 est annoncée à Tel Aviv en Israël.
Nous, militant.E.s queer et LGBTI en soutien au peuple palestinien et pour le boycott d’Israël, souhaitons par ce courrier mieux t’informer sur le pays dans lequel tu rêves de chanter en participant à la finale de l’Eurovision, et nous espérons te convaincre de renoncer à te produire au service de l’apartheid israélien.
Cet État occupe depuis 1948 un autre pays, la Palestine, après en avoir chassé une grande partie de ses habitants qui sont depuis 70 ans des réfugiés ailleurs dans le monde.
Cet État poursuit encore et toujours sa colonisation de la Cisjordanie.
Cet État pratique une politique d’apartheid à l’encontre des citoyens palestiniens, qu’ils soient d’Israël ou de Cisjordanie, notamment avec la dernière loi votée récemment au parlement Israélien nommée « Loi de l’état nation du peuple juif ».
Cet État impose un blocus inhumain à la population de Gaza depuis 2007.
Cet État développe le pinkwashing, c’est à dire une politique prétendument en soutien à nos communautés pour se donner une fausse image « progressiste » et blanchir ses crimes.

Même si nous avons bien conscience que pour toi la participation à l’Eurovision est le fruit d’un important travail et d’un rêve que tu nourris depuis tout petit, penses-tu que tu pourrais accepter de participer à cette opération de « blanchiment » d’un État, Israël, qui avec l’accueil de ce concours, souhaite faire une opération de propagande au service de Netanyahu et son gouvernement d’extrême droite ?
Tu peux encore refuser de participer à cette mascarade et tu ne seras pas le seul à le faire, dans toute l’Europe et au niveau international de nombreux artistes refusent maintenant de se produire en Israël. Dans les années 1970 et 1980, de nombreux artistes ont boycotté un autre État qui avait légalisé la discrimination : l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Notre courrier répond à l’appel des Palestiniens pour le boycott économique, universitaire et culturel d’Israël. En effet une grande campagne se déroule dans toute l’Europe contre la tenue de l’Eurovision à Tel Aviv. Plus de 140 artistes ont appelé au boycott de l’Eurovision si elle a lieu en Israël.
Continues à chanter librement, mais en respectant la dignité et la liberté du peuple palestinien !

Bilal Hassani, ne chante pas pour l’apartheid israélien !”

Israël, rendu «fou» par BDS

13 JANVIER 2019 PAR THOMAS CANTALOUBE (Mediapart)

En dépit des dénégations du gouvernement israélien, la campagne de boycott, désinvestissement et sanction commence à avoir un impact dans le pays. L’Eurovision, organisé à Tel-Aviv en mai 2019, offre une nouvelle plateforme pour les militants BDS.

Israël, envoyé spécial.- Si l’on veut être sûr d’irriter un Israélien, il suffit de prononcer les trois lettres BDS. Peu de choses sont susceptibles de provoquer une réaction aussi épidermique que l’acronyme du mouvement international promouvant le boycott, le désinvestissement et les sanctions à l’égard de leur pays en raison de sa politique d’annexion des territoires palestiniens. Et, de manière quasiment unanime, à quelques exceptions près, tous les Israéliens sont à la fois prompts à condamner BDS et à balayer du revers de la main son efficacité. Comme le résume Daniel Shek, ancien ambassadeur d’Israël à Paris et figure modérée de la vie politique locale, « le plus grand accomplissement de BDS est de rendre ce pays fou ! ».

Vu de l’étranger, le mouvement BDS ne cesse d’engranger des succès, certes relativement petits et symboliques, mais des succès quand même. Vue d’Israël, la problématique est plus compliquée. Certes, il a « rendu le pays fou », certes, il ne semble pas avoir de prise sérieuse sur l’économie israélienne, qui se porte comme un charme, notamment sur le plan des nouvelles technologies. Mais il semble pourtant que ses conséquences se fassent sentir de manière plus souterraine et insidieuse.

Une publicité dénonçant la décision de la chanteuse Lorde de boycotter Israël, payée par un rabbin américain et diffusée par le Washington Post, illustrant la réaction épidermique au mouvement BDS.
Une publicité dénonçant la décision de la chanteuse Lorde de boycotter Israël, payée par un rabbin américain et diffusée par le Washington Post, illustrant la réaction épidermique au mouvement BDS.
Contrairement aux affirmations du gouvernement et de la plupart des Israéliens eux-mêmes, l’impact de BDS n’est pas bénin : il est l’un des principaux facteurs de la dégradation de la situation démocratique et du débat intellectuel dans le pays car, pour la première fois depuis peut être les guerres des Six-Jours et du Kippour, Israël se sent vulnérable. Il s’agit non pas d’une vulnérabilité existentielle qui menacerait la survie même de l’État fondé en 1947, mais d’une fragilité face à un mouvement qui expose les dérives nationalistes et religieuses de la même manière que le mouvement anti-apartheid dénonçait le racisme et la violence du gouvernement blanc en Afrique du Sud, pourtant considérée par beaucoup jusqu’à sa chute (à commencer par les gouvernements occidentaux et… israélien) comme parfaitement fréquentable.
À l’occasion de la fin de l’année 2018, le mouvement BDS a fait circuler la liste de ses principaux succès pour les douze mois écoulés : l’annulation d’un match amical de l’équipe de football d’Argentine juste avant le Mondial, l’annulation des concerts à Tel-Aviv de Lana Del Rey, Shakira ou Lorde à la suite de la pression de certains de leurs fans, l’arrêt du sponsoring de la fédération israélienne de football par Adidas, le vote par Dublin et des villes espagnoles et italiennes de résolutions approuvant BDS ou encore la décision d’Airbnb de ne plus diffuser d’annonces pour des logements dans les colonies israéliennes, illégales au regard du droit international. Sans oublier un succès indirect : l’élection au Congrès des États-Unis d’une poignée de représentants ouvertement favorables à BDS, une première.

Un porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères est prompt à écarter tous ces événements avec une moue sceptique lorsqu’on l’interroge sur le sujet : « Honnêtement, ce ne sont pas les actions de quelques artistes mal informés qui vont nous atteindre ! Faites plutôt la liste de tous les succès d’Israël dans l’année passée sur les plans diplomatiques ou économiques et vous verrez que le mouvement BDS est anecdotique. » Pourtant, si l’on en juge par les pages entières de journaux et de sites internet qui ont été consacrés aux différentes activités de boycott, on peut difficilement prétendre que ces événements ont laissé les Israéliens de marbre.

Un tribunal a même été jusqu’à exiger que les deux activistes néo-zélandais qui avaient démarré la campagne pour convaincre Lorde de ne pas chanter en Israël remboursent les fans éplorés de la chanteuse. D’innombrables reportages ont également été diffusés sur les propriétaires de logements (illégaux) dans les colonies qui ne pouvaient plus arrondir leurs fins de mois, en listant leurs habitations sur la plus grande plateforme mondiale de locations temporaires. Difficile, face à l’avalanche de récriminations, de prétendre à l’insouciance.

« En dépit des assurances officielles qu’il s’agit de phénomènes marginaux, il commence à y avoir un impact réel du mouvement BDS en Israël, soutient Ofer Neiman, de l’organisation Boycott From Within. Par exemple, j’ai été surpris d’apprendre que des centaines de DJ’s internationaux se mobilisaient pour refuser de se produire en Israël. Je connais bien cette scène et elle est normalement assez peu politisée. Sachant que des villes comme Tel-Aviv ou Haïfa ont bâti ces dernières années une économie reposant sur le tourisme jeune et fêtard, cela va inévitablement les atteindre. »

Un manque à gagner est toujours plus difficile à mesurer qu’un bénéfice. Et les dégâts en termes d’images sont également compliqués à évaluer : par exemple, les incidents à Gaza au printemps ont-ils plus, ou moins, dévalorisé l’image d’Israël en 2018 que les actions de BDS ? Impossible de répondre. Pour Omar Barghouti, l’un des cofondateurs du mouvement BDS, « il vaut mieux regarder des indicateurs objectifs plutôt que de demander aux Israéliens leur opinion. Qu’est-ce que l’on constate ? Le gouvernement israélien a dédié un ministère entier [celui des affaires stratégiques – ndlr] à se battre contre BDS. Si les pertes liées à BDS ne se chiffraient pas en milliards de dollars, pourquoi dépenser des centaines de millions contre le mouvement ? »

« Dans ses ambassades au travers le monde, Israël emploie désormais des gens à plein temps pour contrer BDS, il y en a deux en Grande-Bretagne par exemple, ou détruire la réputation des activistes, poursuit-il. Le gouvernement, via ses ministères et ses relais, organise régulièrement des conférences sur le thème : “Comment combattre BDS ?”. Si le mouvement est aussi inefficace, pourquoi se démener ? Enfin, on note que de plus en plus de grosses entreprises internationales refusent de participer à des appels d’offres en Israël, de crainte de se voir ensuite reprocher d’être complice d’un régime qui commet de graves violations des droits humains. »

Plusieurs études ont tenté de mesurer combien pourrait coûter le mouvement sur le plan économique. Une des plus récentes, menée par la Brookings Institution de Washington, estime que « l’économie israélienne est moins susceptible qu’auparavant aux boycotts […] du fait de ses exportations qui ont évolué vers des biens de haute qualité, qui ne peuvent pas être remplacés facilement par ses clients. À moins que des sanctions officielles ne soient mises en place par les partenaires les plus importants d’Israël comme les États-Unis ou l’Union européenne, BDS ne devrait pas produire le niveau de pression économique espéré par ses supporteurs. »

« Cela ne me dérange pas d’appeler au boycott de mon pays »
Toutefois, d’autres études, antérieures, se montraient plus pessimistes : un rapport interne du gouvernement israélien chiffrait les pertes d’exportation à 1,4 milliard de dollars par an et la Rand Corporation, qui est loin d’être un bastion gauchiste, mettait la barre trois fois plus haut, à 47 milliards de dollars sur dix ans.

L’autre réaction, celle-ci très visible, du gouvernement de Benjamin Netanyahou a été la multiplication de lois ou de mesures destinées à faire taire les promoteurs de BDS (voir notre article sur la Contraction démocratique d’Israël). La plus emblématique, et celle qui a le plus déteint sur l’image du pays, est évidemment celle qui permet d’interdire d’entrée sur le territoire ou d’expulser tout étranger qui appuie le boycott d’Israël. Une forme de test d’opinion préalable à la délivrance d’un visa.

Revenons à ce que disait Daniel Shek, sur le fait que BDS « a rendu le pays fou ». L’ancien diplomate ajoutait, dans la foulée de sa remarque : « Cela sert la droite. » Il est clair que l’actuel gouvernement, le plus à droite que le pays ait jamais connu, a érigé BDS au rang de menace existentielle, au même titre que le Hezbollah, le Hamas et l’Iran, et qu’il sert à merveille la stratégie de victimisation déployée à la fois à titre personnel par Netanyahou, mais aussi par Israël en général. Surtout, le mouvement BDS a profondément divisé les militants de la paix et des droits humains à l’intérieur d’Israël.

À 81 ans, Ruchama Marton est l’une de ces activistes de longue date. Psychiatre, elle est la fondatrice de l’ONG Physicians for Human Rights (PHR), rassemblant des médecins israéliens et palestiniens. L’an passé, elle n’a même pas été invitée aux célébrations du trentenaire de l’organisation qu’elle a créée et dont elle demeure présidente d’honneur. Sa faute : soutenir la campagne de boycott, alors que PHR s’est prononcé contre, « sans véritable débat entre nous, car le débat intellectuel est, pour l’essentiel, mort en Israël », explique Rushama.

« Les organisations en faveur de la paix ont plus ou moins disparu, car il n’y a plus de paix à faire, constate-t-elle. Restent les associations de lutte pour les droits humains, qui ne sont pas très nombreuses. La paix, c’est dans l’avenir, les droits humains, c’est maintenant. Il faut donc se concentrer là-dessus en appelant les choses par leur nom : occupation, apartheid, ce que peu de monde ose faire en Israël. Comme nous sommes peu nombreux, il nous faut trouver des alliés. BDS en fait partie. Même si je ne suis pas d’accord avec toutes leurs opinions, cela ne me dérange pas d’appeler au boycott de mon pays. Il y a un prix à payer pour tout. Mes collègues et amis à Gaza, que je ne peux pas visiter depuis onze ans, sont privés de leurs droits culturels, artistiques et scientifiques. »

Une publicité sur la plage de Tel-Aviv annonçant la tenue de l’Eurovision en mai 2019. © TC
Une publicité sur la plage de Tel-Aviv annonçant la tenue de l’Eurovision en mai 2019. © TC
Entourée de ses deux chats, une tasse de thé à la main et tirant sur sa cigarette, Ruchama Marton illustre à son corps défendant la fracture provoquée par BDS au sein de la gauche et des activistes israéliens. Nombre d’entre eux ne sont pas disposés à suivre BDS, qui leur rappelle trop le mouvement anti-apartheid des années 1970 et 1980 et leur renvoie une image difficile à accepter. Face à une société qui a définitivement basculé à droite depuis une douzaine d’années, et face à un gouvernement qui réduit toutes les argumentations à des slogans et n’hésite plus à aller chercher ses amis chez les antisémites, pour peu qu’ils soient nationalistes, cette gauche qui militait autrefois pour la paix est désormais désemparée et divisée. Ce n’était évidemment pas le but recherché par les militants BDS, mais c’est la réalité aujourd’hui.

Comme un sparadrap dont on n’arrive pas à se débarrasser, la campagne BDS va de nouveau donner le tournis à Israël en 2019, notamment à l’occasion d’un événement qui prête d’ordinaire plus à sourire : le concours de l’Eurovision. Le dernier vainqueur en date étant la chanteuse israélienne Netta, son pays sera donc en mai l’hôte de la prochaine édition. La joie sincère qui s’est emparée d’Israël lorsqu’elle a remporté le trophée a immédiatement fait place à la politique. Car le ministre de la culture a d’abord voulu organiser l’événement à Jérusalem, avant de reculer devant le risque de désistements, étant donné le statut contesté de la ville. Du coup, les festivités se tiendront à Tel-Aviv, mais le mouvement BDS a d’ores et déjà entrepris de mettre la pression sur l’organisme européen de diffusion (EBU), lui intimant de veiller au respect de ses propres règles.

En effet, la possibilité que des spectateurs de l’Eurovision puissent être interdits d’entrée sur le territoire en raison de leurs opinions politiques existe, en raison de la loi déjà mentionnée, ce qui contreviendrait aux règles de l’EBU. De même que la question complexe du partage des fréquences entre Israël et les territoires occupés, car la charte de diffusion de l’EBU stipule que tout le monde puisse avoir accès au même contenu. « Nous ne nous faisons pas d’illusion, nous ne parviendrons pas à faire annuler la tenue de l’Eurovision en Israël, concède Omar Barghouti. Mais nous allons en profiter pour faire du battage et élever le prix de la complicité. »
Contre l’Afrique du Sud, une des campagnes les plus médiatiques et les plus réussies, menée entre autres par Steve van Zandt, le guitariste de Bruce Springsteen, fut celle qui appelait les musiciens à refuser de se produire à Sun City, le plus célèbre centre de loisirs du pays. Reprise par la chaîne musicale MTV à l’époque, elle avait touché une partie de la jeunesse américaine et européenne, et Nelson Mandela, une fois libéré, s’était félicité de son impact. Même en chanson, BDS mine doucement Israël.